Cérémonie de commémoration du génocide arménien

Publié 25/04/2024|Modifié 24/04/2024

Le 24 avril 2024, devant la statue de Komitas à Paris, le Premier ministre Gabriel Attal a participé à la 109e commémoration du génocide arménien.

Face aux drames, depuis la France, ont toujours retenti, dans une union sacrée, les voix de la Justice, les voix de l’amitié, les voix de l’Arménie.

Gabriel Attal

  • 24 avril 2024
Commémoration du génocide arménien.

Commémoration nationale du 109e anniversaire du génocide arménien.

Mesdames et Messieurs les ministres,

Madame la préfète,

Madame la maire de Paris,

Mesdames et Messieurs les parlementaires,

Madame la présidente de la région Ile-de-France, chère Valérie Pécresse,

Monsieur le président de la région des Hauts-de-France, cher Xavier Bertrand,

Monsieur le président, cher Bruno Retailleau,

Mesdames et Messieurs les maires,

Mesdames et Messieurs les élus,

Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,

Madame l’ambassadrice,

Messieurs les représentants des autorités religieuses,

Messieurs les co-présidents du CCAF, cher Ara Toranian, cher Mourad Papazian,

Mesdames et Messieurs,

Garabed Farchian avait 8 ans, peut-être 9.

Il a vu son père, puis son oncle disparaître.

Il a été arraché à son enfance. Enlevé. Et alors qu’on l’emmène au loin, il observe son monde s’effondrer.

Il traverse une rivière, se souvient et écrit : « ils y amenaient les Arméniens et, après les avoir égorgés sur le pont, ils les jetaient dans le fleuve. C’est ainsi qu’on a appelé ce lieu « le pont ensanglanté » ».

Hanné Maloyan était une mère de famille.

Elle aussi a vu les hommes de sa vie disparaître, emmenés à un à un pour rejoindre l’armée disait-on ; pour rejoindre la mort, savait-on.

Un jour de juillet 1915, elle est arrêtée. Condamnée à marcher. Forcée à avancer vers un destin dont elle n’ignore rien.

Par miracle Hanné Maloyan survit et, quelques temps plus tard, raconte son supplice : « Ils se mirent alors à me frapper avec leurs poignards. Je reçus une vingtaine de coups et tombai évanouie, inconsciente. Je ne savais plus si j’étais morte ou vivante. Puis ils me tirèrent par les pieds et me jetèrent nue au-dessus des cadavres. ».

La liste pourrait être encore longue.

Encore longue de ces témoignages glaçants d’un peuple supplicié.

Encore longue des récits de ces hommes que l’on a enrôlé de force pour mieux les assassiner.

Encore longue de ces femmes que l’on a sauvagement agressées, violées, tuées.

Encore longue de ces enfants qui ignoraient tout du monde. De ces enfants qui n’avaient que l’innocence à offrir. Mais l’innocence, c’était encore trop pour leurs bourreaux. Car leur crime était d’être des enfants d’Arménie et que ce crime, alors, leur coûtait la vie.

Mesdames et Messieurs,

Oui, cette liste pourrait être plus longue.

Mais une autre liste, plus terrible, plus douloureuse, plus cruelle, le serait plus encore.

La longue liste de celles et ceux qui sont tombés.

La longue litanie des noms des innocents tués.

Témoigner, c’est le privilège des vivants.

Et dans ces années noires, au moins un million et demi d’Arméniens sont morts.

Morts dans un massacre organisé, systématique, brutal.

Morts pour avoir cru en leur Dieu, pour avoir vécu sur leur terre.

Morts parce qu’ils étaient le peuple arménien.

C’était il y a 109 ans, mais nos larmes ne sont pas encore sèches. Elles ne sècheront jamais, car l’histoire du peuple arménien reste une blessure vive, une plaie béante, pour l’Histoire de l’Humanité.

Aujourd’hui, nous sommes d’abord rassemblés pour nous souvenir.

Pour nous rappeler le supplice du peuple arménien.

Ce supplice commence bien avant 1915.

Car ce génocide n’est pas un coup de poignard soudain, venant briser le calme d’une insouciante paix.

Ce génocide, car il faut bien l’appeler par son nom, face à ceux qui voudraient réécrire l’Histoire.

Ce crime contre l’Humanité, car il faut bien dire ce qu’il a été, face à ceux qui tentent d’atténuer le passé.

1915, c’est l’aboutissement tragique d’une machine infernale, lancée quelques décennies auparavant, pour faire taire les espoirs d’un peuple qui ne demandait qu’à vivre.

Nous sommes à la fin du XIXe du siècle. L’Empire ottoman, colosse aux pieds d’argile, vacille. La soif de droit, d’égalité, de liberté est sauvagement réprimée.

Les massacres se multiplient, plus de 200 000 Arméniens sont tués.

Nous sommes au début du XXe siècle.

L’espoir de la révolution des Jeunes-Turcs est vain et l’instabilité politique coûte au peuple d’Arménie.

Une fois de plus, rien ne lui sera épargné. Et comme une macabre répétition générale, à Adana, en Cilicie, des massacres sont organisés. Des dizaines de milliers de vies enlevées. Et combien d’orphelins, de réfugiés, de déplacés.

Le temps avance. Le monde entre en guerre. Et pendant que le premier conflit mondial fait rage, le génocide commence.

La barbarie. La cruauté. Les pillages. Les spoliations. Les viols. Les tortures. Les meurtres.

La mort. La mort partout. La mort généralisée.

Il est des moments, où les limites de l’Humanité sont franchies.

Ces mois de génocide, à partir d’avril 1915, en ont été un.

Mesdames et Messieurs,

Face aux drames, depuis la France, ont toujours retenti, dans une union sacrée, les voix de la Justice, les voix de l’amitié, les voix de l’Arménie.

C’est l’appel de Jaurès, à la tribune de l’Assemblée nationale, à agir face aux massacres commis sur ordre du sultan Abdülhamid.

Ce sont les mots de Clemenceau, préfaçant l’un des premiers recueils de témoignage face aux massacres, comme pour attirer l’attention, comme pour faire savoir.

Ce sont les articles d’Anatole France, de Charles Péguy, de Pierre Quillard.

Tous, bien avant le génocide, sentaient que l’âme de la République et celle du peuple arménien étaient profondément liées.

Que le cœur de la France battait pour l’Arménie.

Que le peuple français se tenait toujours du côté de la Justice, du côté de la Liberté, du côté des opprimés.

En avril 1915 et dans les mois qui suivent, la Première Guerre mondiale gronde, le peuple arménien meurt et l’Europe se tait.

Alors dans ces pages sombres de l’Histoire, il reste quelques éclats de lumière.

Ces éclats, c’est l’amiral Dartige du Fournet, allant au-devant des côtes, guidé par son seul sens du devoir.

Allant au-devant des côtes, et secourant plus de 4000 Arméniens, qui résistaient héroïquement sur le Mont Moïse.

Ces éclats de lumière, ce sont les bras ouverts de notre pays, pour accueillir les réfugiés arméniens.

Ils fuyaient la fureur et le sang. Mais tous laissaient derrière eux des proches, des parents, des amis.

Ils portaient cette douleur des déracinés, dont le cœur battait encore mais qui avaient perdu le goût de la vie.

Depuis le port de Marseille, souvent, puis à travers le pays, la République leur a offert une nouvelle terre et la France les a accueillis. C’était un devoir. Et c’est notre honneur.

Depuis, plus encore, nos Histoires avancent à l’unisson. Les Arméniens de France ont résisté, combattu, sont tombés pour notre pays.

Ils ont créé, travaillé, se sont engagés.

Ils ont écrit, composé, tourné, chanté.

Parlant de Missak Manouchian, des FTP-MOI, de ceux de l’affiche rouge, Aragon écrivait qu’« à prononcer, vos noms sont difficiles ».

Aujourd’hui, ces noms sont familiers.

Ils sont entrés dans notre Histoire et dans le cœur des Français.

Des Français qui savent ce qu’ils doivent à ceux d’entre eux dont les origines viennent de la terre d’Arménie.

Cette reconnaissance nous ne cesserons jamais de la souligner. Nous ne cesserons jamais de la célébrer.

Et son dernier témoignage, peut-être l’un des plus grands, c’est l’entrée au Panthéon de Missak et Mélinée Manouchian, voulue par le Président de la République. C’est cet hommage entier, de la Nation reconnaissante, en février dernier.

Mesdames et Messieurs,

Le peuple arménien a connu le supplice, la mort et les drames.

Mais la résistance coule dans ses veines. Et toujours le peuple arménien s’est relevé.

Aujourd’hui, nous nous souvenons.

Nous nous souvenons.

Pour que cette tragédie ne se résume jamais à quelques lignes dans un livre d’histoire.

Qu’elles ne soient jamais, pour nos compatriotes, un lointain souvenir d’écolier. Le souvenir, que là-bas, un peuple a souffert. Un peuple a été assassiné.

Je ne l’accepterai jamais. Avec vous, je ne l’accepterai jamais.

Je me battrai, sous l’égide du Président de la République, avec mon Gouvernement, je me battrai pour que chacun se rappelle ce qui s’est passé à partir d’avril 1915.

Cet engagement, c’est celui qu’a pris le Président de la République devant le peuple arménien, à Erevan. J’avais eu l’honneur de prendre part à ce déplacement, qui a marqué solennellement, les liens immortels qui unissent et continueront toujours à unir nos deux pays.

Cet engagement, c’est celui qui a poussé le Président Macron, enfin, à faire de la date du 24 avril, la journée nationale de commémoration du génocide arménien.

Alors, ensemble, aujourd’hui, nous nous souvenons.

Nous nous souvenons pour que jamais l’Histoire ne se répète, alors même que notre monde est traversé par les guerres, par les crises.

Nous nous souvenons pour porter haut et fort nos valeurs, les affirmer, montrer qu’elles traversent le temps.

Nous nous souvenons pour faire face aux vautours de la mémoire, qui voudraient réécrire l’Histoire et réinventer le passé plutôt que de l’assumer.

Nous nous souvenons parce que l’Arménie s’est relevée, qu’elle avance mais qu’elle n’oublie pas. Qu’elle n’oubliera jamais le passé.

Mesdames et Messieurs,

Cette commémoration, aujourd’hui, revêt une signification particulière.

Une fois de plus, une fois encore, une fois de trop, l’Arménie connaît la guerre.

Une fois de plus, une fois encore, des Arméniens ont dû quitter leurs terres dans un exil forcé.

Je l’ai déjà dit et l’affirme devant vous une nouvelle fois : nous sommes aux côtés de l’Arménie dans son combat pour la paix, pour le respect de ses frontières, de son intégrité territoriale, pour que tous ceux qui le souhaitent puissent retrouver leur foyer en sécurité.

Face au conflit, la France prend ses responsabilités. Elle les assume. Et nous n’arrêterons pas.

Je veux rappeler que la France a été, par la voix du Président de la République, le premier pays occidental à dénoncer l’agression de l’Azerbaïdjan.

Nous avons réagi, avec force, contre tous ceux qui contestaient l’existence même de l’Arménie depuis l’élection du Président de la République.

Et je le dis : je suis fier d’avoir été autour de la table du Conseil des ministres qui a dissous les Loups gris. Et nous continuerons à traquer tous ceux qui nient la réalité de l’Histoire, sous une forme ou sous une autre.

Nous sommes aux côtés de l’Arménie, y compris dans les domaines les plus stratégiques. Nous avons décidé d’envoyer un attaché de défense, basé à Erevan. C’est un signal fort. Nous l’assumons.

Nous sommes les premiers pour aider les Arméniens face au drame humanitaire en cours.

Nous avons triplé notre aide depuis le déclenchement du conflit et nous sommes aujourd’hui le premier bailleur humanitaire de l’Arménie.

C’est notre honneur et c’est une fierté.

Pour la libération des otages, pour l’accès aux détenus, cher Mourad, nous nous battons, la France se mobilise aussi et soutient l’action du Comité international de la Croix-Rouge. Je soutiendrai toutes les initiatives, notamment transpartisanes, qui seront prises. Nous ne les oublions pas et nous nous battons pour eux.

Surtout, sous l’autorité du Président de la République, nous sommes à l’initiative pour le respect du droit et pour trouver les conditions d’une paix juste et durable. Nous continuons notre rôle, celui d’être aux côtés de l’Arménie, celui de chercher toutes les voies pour la paix.

Il n’y a qu’une seule issue possible à ce conflit, c’est le respect du droit international, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Arménie. Nous y veillerons. Nous y travaillons sans relâche. Et nous continuerons à soutenir tous les efforts pour la paix.

Mesdames et Messieurs,

Le 24 avril est une date pour se souvenir.

Pour se souvenir à jamais de quoi sont capables les hommes.

Pour se souvenir du martyr d’un peuple innocent, du martyr du peuple arménien.

Mais dans cette date, dans cette commémoration, dans notre présence commune, et même si c’est difficile, même si parfois tout semble nous pousser à ne plus y croire, je veux voir, aussi, l’espoir.

L’espoir, car l’Arménie est debout et qu’elle écrit son avenir et celui de son peuple.

L’espoir de la paix et de la concorde, car nous y œuvrons sans compter, sans jamais renoncer.

L’espoir de voir nos valeurs, ces valeurs communes de démocratie, de tolérance et de liberté l’emporter.

L’Arménie a survécu aux drames, aux larmes, aux armes.

Mais l’Arménie n’a jamais baissé la tête. Elle n’a jamais renoncé. Elle ne s’est jamais reniée. Elle n’a jamais accepté d’abdiquer ses valeurs.

Elle se relève, toujours. Et elle tient son destin entre ses mains.

Vive l’amitié franco-arménienne !

Vive la République ! Et vive la France !

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